crédit : Yann Langevin
Dans le cadre du Festival Maintenant, présenté par l’association Electroni[k], les deux artistes Elsa Quintin et Antoine Martinet ont dévoilé le Projet Pilot, fruit d’une collaboration qui remonte à 2009. Depuis février 2012, ils planchent sur le second volet du projet. Armés de leur stylo à billet Pilot, les deux artistes rennais dessinent sans relâche pour vous présenter cet ensemble herculéen composé de seize planches grand format (180cm*50 cm). Le visiteur était invité à pousser les portes du Parlement de Bretagne samedi 18 octobre, où siégeaient les deux œuvres dans la salle des Pas Perdus. Interview et rencontre avec les initiateurs du projet.
Elsa Quintin et Antoine Martinet sont tous les deux issus d’une formation artistique (Beaux Arts et Université-Arts Plastiques/Esthétique), avec comme ils le disent si bien : « une affinité particulière pour le dessin ». Deux spécialistes mais avec une approche et des univers graphiques différents. La rencontre s’opère à un moment où ils sont tous les deux animés par l’envie de démarrer un travail différent, de grand format. Et la collaboration débute de manière totalement informelle et intuitive mais avec l’idée en tête de réaliser un « GROS DESSIN ». Lors du premier opus, chacun son style, et chacun accumule les figures sur la feuille, sans construire d’espace : » Les formes flottaient dans le blanc du papier. On a recyclé, évacué notre vocabulaire graphique respectif, ça a donné lieu à une sorte d’orgie graphique foisonnante de détails ». La première présentation au public a lieu en septembre 2012 à Rennes puis à Metz dans une galerie en 2013.
Pour le second volet, le duo défini au préalable une composition. « Nous avons fait un collage numérique géant, pour produire un paysage qui comporte une sorte d’unité. On s’est servi de ce collage, qu’on a imprimé, comme modèle à reproduire. Cela nous servait en quelque sorte de carte, de repère, pour travailler. On a déformé ce modèle, mais il nous permettait de nous orienter dans le format qui est immense. »
Le résultat est impressionnant, et les deux projets sont très différents l’un de l’autre. « On ne dévoile pas les mêmes influences dans les deux, mais ils sont très complémentaires. Le second est devenu abstrait, bien qu’il s’agisse d’un paysage, des zones de noir intense se déploient, les rythmes sont différents. On voulait un travail plus ambigu à la fois serein et inquiet. »
Crédit : Yann Langevin
La multitude de détails force alors le spectateur à s’interroger, à observer et à faire appel à son imaginaire. « Il n’y a pas UNE histoire, mais des lectures possibles. Ce travail est un catalyseur pour nous, on vit le dessin comme un moment particulier, le processus est un temps absolument addictif. C’est très « ambient » comme travail, d’ailleurs on écoute beaucoup de musique ensemble quand on dessine, sans parler parfois pendant longtemps.. »
L’unique outil du projet pilot est le stylo bille, ni plus ni moins. « La surface est immense par rapport à l’outil, c’est finalement ça l’obstacle majeur ! La difficulté est de trouver comment utiliser ce type de crayon, alors on explore et on exploite au maximum toutes ses potentialités esthétiques, la couleur, l’intensité…. ». Depuis cinq ans maintenant, le projet vit en s’affranchissant des heures passées. « C’est devenu un art de vivre et un rendez-vous de dessin que l’on adore ».
Le second projet était dévoilé au public dans une salle grandiose, au cœur du Parlement de Bretagne, un cadre grandiose qui fait tout de suite prendre au projet une ampleur colossale. « L’architecture aux dimensions rares laisse le travail respirer… Nous sommes heureux de le voir dans un tel espace, cela développe une dimension sémantique supplémentaire : c’est un lieu de pouvoir, où est rendue la justice. Notre travail, bien que très académique dans sa forme et sa technique, est assez corrosif. Les scènes représentées sont acceptées dans un tel lieu malgré leur ambiguïté… C’est plutôt surprenant, mais les gens ne s’en sont pas étonnés…(scène de sodomie, de violence dans un travail, un enfant nu dans l’eau du lac dans l’autre). La technique du dessin, très académique semble faire écran à ce qui est représenté. C’est assez étrange. »