Peut-on encore parler d’un simple label lorsque celui-ci met en avant une capacité de choix si variée, si pointue, digne des plus grandes scènes bretonnes ? En comparaison avec celles-ci, Visions#2 ne suit pas la vague de têtes d’affiche que l’on voit débarquer tous les ans sur nos côtes, du côté de Morlaix avec la musique électronique, de Carhaix avec la variété. A la manière de ses frères de coeur, Binic Folk Blues et West Side Festival, festivals à taille humaine, il s’agit davantage de faire état d’une tendance, d’un mouvement progressif qui s’étend et souhaite faire entendre à qui le veut ce que l’on parvient encore à faire d’assez « musicalement incorrect » aujourd’hui. Et au regard du succès des éditions précédentes, il y en a éminemment pour tous les goûts.
Les Rennais des Disques anonymes ne se contentent pas de repêcher des groupes aux influences trop empruntes d’une nostalgie sommaire ou trop caractérisées par un aspect lo-fi. Ils réunissent sur leurs terres des labels nationaux, internationaux qui carburent à la cold wave comme au synth-pop, en passant par un garage énervé et un post punk relevé, le tout toujours classieux et révélateur d’une grande ambition. En vouant un culte à une musique « dégénérée » – parce qu’elle a survécu aux années de sarcasme musical en piochant un petit peu dans le futur de manière victorieuse, le numérique aidant – Les Disques Anonymes s’assurent une réussite sans failles. Le festival Visions#2 se dope cet été aux boites à rythmes, aux riffs sales et aux basses sombres. Ne pleurez plus les cris de Alan Vega et ne regrettez plus les effluves de sueurs d’autres Kas Product, Echokrank et Trisomie 21, ce qui est donné à voir ici prend tout son sens dans l’intéressante rétrospective / prospection relative à notre époque.
Coups de cœur pour des groupes tels que Kap Bambino, Rendez-vous, Cheveu, Françoise Pagan et Dscrd qui parviennent à faire face aux affluences de plus en plus rapides du secteur. Il ne s’agit plus ici de promouvoir des musiques actuelles, mais plutôt des musiques post-actuelles dans lesquelles le progrès se caractérise par la déstructuration des genres. La scène se transfigure à travers la résistance appliquée au mainstream, au déjà-vu, au déjà-produit. Ce combat nécessaire se base sur une créativité indéniable doublée d’une énergie salvatrice. Les Disques anonymes prouvent de nouveau leur implantation réelle et sincère dans un dynamisme régional underground en pleine émergence. Les anciens en seront étonnés : les maisons de pierres aux hortensias prennent des airs aussi réfractaires que les caves de Kreuzberg.
Les trois jours ne sont cependant pas saturés de guitares et machines à la violence assumée ou latente. Les adeptes d’un ton moins brutal seront servis par des groupes plus progressifs, planants tels que Bantam Lyons et chacun pourra se régaler des productions du génial Rubin Steiner.
Festival Visions#2, du 8 au 10 aout 2014, Traon Nevez Plouenoc’h