Le mois dernier c’est au Parc du Thabor pour Mythos que nous avons rencontré Feu! Chatterton, jeunes dandys parisiens. Avec en fond sonore le spectacle des Airnadettes et avant leur passage sur la scène du Magic Mirror le soir même, on a profité d’un petit moment avec eux pour leur poser quelques questions autour d’une petite 1664… Avec leur morceau « Mort dans la Pinède » ils ont su séduire un public exigent, nostalgique des grandes heures d’Alain Bashung ou Serge Gainsbourg. Feu! Chatterton joue avec les paradoxes, tant au niveau musical qu’avec les mots, mais aussi dans leur manière de flirter avec divers univers musicaux. Leur charme saturnien opère, mélodies langoureuses, notes parfois un peu jazzy, riffs jouant avec l’insolence du rock’n roll… Tout prend parfaitement place dans les compositions du quintet. Une multitude de références qui crée toute la singularité, l’originalité de Feu! Chatterton. Un exercice de style qu’ils maîtrisent et mènent avec une facilité à en rendre malade les chanteurs de variété usés qui s’efforcent de revisiter les répertoires à succès. Avec Feu!, la démarche est bien plus sobre et élégante, pas besoin d’en faire des tonnes pour transmettre des émotions. Une alchimie qui nous séduit, encore plus une fois devant le live quelques heures plus tard…
Quelle est l’histoire de Feu! Chatterton ? Si on peut parler de la « genèse » du groupe…
Sébastien : On est tous originaire de Paris, on est des potes de lycée avec Clément et Arthur, on a commencé à faire de la musique ensemble. Ca va faire deux ans, deux ans et demi qu’on joue avec la formation actuelle de Feu! Chatterton et sur les fondations ça fait trois ans et demi.
Arthur : Enfin on a commencé à faire de la musique ensemble après le lycée, ensuite on a rencontré Raphaël et Antoine, qui étaient d’abord des amis d’amis, et puis ça s’est fait comme ça. On vadrouille ensemble pour les concerts depuis à peu près un an et demi.
Dans Feu! Chatterton on ressent vraiment une multitude d’influences, il y a des moments un peu plus sombres, d’autres plus langoureux. Comment se passe la composition de morceaux tels que les votre, aussi riches ?
S : Ben ça dépend un peu des morceaux, mais en général l’un des membres, l’un des musiciens, surtout Clément et moi au début apportons une maquette, puis Antoine et Raph s’accordent dessus. Arthur de son côté apporte les textes qu’il écrit. Selon les morceaux, soit c’est nous qui amenons une mélodie et Arthur va adapter son texte ou inversement on crée une mélodie en fonction de son texte. Après dans l’étape finale on arrange tout ça pour le live et aussi pour les enregistrements , ensemble en studio et pendant les répétitions. Après sur les influences elles sont très variées et très différentes. Arthur vient peut-être plus de la chanson française, moi du rock anglo-saxon, enfin ceux sont des choses qui se croisent.
A : Oui, des musiques un peu plus électroniques aussi, et même une influence classique et jazz. Bon ça fait un peu lourd à digérer comme ça mais c’est vrai qu’on a beaucoup d’influences variées et pas forcément communes à l’origine.Nécessairement on traîne beaucoup ensemble et il y a une convergence qui se fait comme ça et on en vient à avoir une sorte de système de valeurs communes au sein du groupe. Les influences de jazz et de la musique classique viennent sans doute plus de notre éducation musicale. Même si ça ne se rejoint pas nécessairement sur certains plans, d’aspects techniques etc, on parvient à mettre en place des structures, parfois assez alambiquées mais qui trouve leur cohérence.
S : Je ne sais pas si tu veux qu’on cite des références, on peut citer par exemple Television, Talking Heads, dans les trucs plus anglo-saxons LCD Soundsystem, Arcade fire dans les trucs plus récents. Il y a forcément aussi de la chanson plus « traditionnelle » française, Yves Montand , Charles Aznavour… Dans les classiques français forcément Alain Bashung !
A : Noir Desir et Gainsboursg aussi.
S : Oui c’est sur que c’est les trois piliers !
A : parce qu’ à notre avis ils ont réussi à bien allier la chanson, le texte et la musique , l’arrangement moderne , un aspect plus rock aussi.
Vous avez, on a pu le voir, beaucoup de références propres à chacun , vous aviez déjà cette idée de créer cette convergence entre les différentes influences, styles ? Vous aviez déjà l’idée de ce que ça allait donner ?
Clément : Non, dans nos compositions on a pas forcément de ligne directrice
S : Après avec Clément on avait un groupe au lycée, on composait déjà ensemble, on a un passif de « co-composition » qui fait que c’est venu de manière assez naturelle en fait. Il y avait déjà cette idée d’apporter un truc et que l’autre se positionne dessus pour trouver le bon tempo… Enfin le groupe s’est fait assez naturellement.
A : Ca a été assez long quand même, ça a mis du temps. Le truc qu’on a en commun c’est qu’on est proche, la proximité c’est faire des trucs ensemble. Eux sont musiciens, moi c’est l’envie de chanter donc cette envie de faire de la musique elle est là depuis très longtemps . Quand on s’est mis à faire de la musique ensemble il a fallu du chemin avant d’atteindre ce que c’est aujourd’hui. Au départ on avait un groupe avec Seb et Clément de funk jazz slam, avec un autre batteur et un autre bassiste, mais ça n’avait rien à voir avec ce qu’on fait maintenant, c’était rien on était jeune mais pour te dire que vraiment ça s’est précisé naturellement , grâce au temps finalement. On produit quelque chose de plus concis maintenant.
S : Ouais avant de mettre les mélodies sur les mots ou coté musique, de passer a quelque chose de plus brute, plus rock, hip-hop, on a aussi eu le temps d’évoluer entre nous. On en avait un peu marre, plutôt que de déblatérer des mots sur une musique qui se veut compliquée, y a pas besoin de ça pour faire passer des choses, on fait passer des choses plus fortes avec le rock.
Et qu’est ce que vous avez envie de faire passer justement ?
A : Déjà c’est plus facile de faire passer des choses plutôt triste je trouve… Les morceaux sont assez sombres parce que les histoire qui finissent mal finissent vraiment, c’est plus simple quelque part. Ca permet de vraiment finir une chanson, par quelqu’un qui meurt, ou quelque chose qui finit quoi… Quand ça ne finit pas mal ça ne finit pas vraiment en fait.
Mais pourquoi les choses devraient mal finir ?
A : Ah, parce que comme on dit les histoires d’amour finissent mal, mais en fait c’est tout bête c’est presque un pléonasme puisque si elles finissent , on comprend qu’elles finissent mal. T’as pas besoin de le préciser, et la chanson doit se finir aussi. C’est peut-être un peu cynique. Mais je n’ai pas l’impression d’être particulièrement triste dans la vie.. (rires)
S : Je pense qu’on a surtout l’impression que c’est sombre, mais c’est pas si sombre que ça, c’est une façon de parler des choses, des faits divers… C’est un détour pour parler d’autre chose.
C : C’est pas l’ambiance générale du groupe d’être sombre, ou mélancolique… En fait, il faut avouer que c’est plus dur dans la composition, les notes de faire passer des choses joyeuses. C’est un autre exercice.
A : Si, il y a ce coté sombre, mais en fait c’est plus drôle de raconter des choses un peu grave, par exemple avec Code Concorde sur le naufrage du Costa Concordia, qu’on préfère traiter avec une sorte de légèreté. Outre le fait de se référer au fait divers, sur ce morceau il y a aussi la composition au piano qui se réfère à la mer, au sonorités, sensations qu’elle peut faire provoquer. Ca vient de l’actualité à ce moment là mais aussi de l’émotion qui en ressort. En le disant comme ça c’est peut-être bizarre, avec « La mort dans la pinède » aussi, ce sont des images qui peuvent avoir un caractère assez « grave ». C’est beaucoup plus difficile de raconter des choses légères et heureuses, enfin pour nous en tout cas. Mais on y arrivera, c’est sympa les chansons ensoleillées, enfin moi j’adore ! Comme les Airnadettes qu’on entend, c’est quand même hyper fort de jouer du Mario Kart !
Des projets en cours ?
A : On va sortir notre EP en juin, on a terminé l’enregistrement là, et on continue notre tournée de concerts. On passe par Le Printemps de Bourges, les Franco La Rochelle en juillet aussi. On fera la première partie de Fauve à Paris. On vient de remporter le prix Chorus et ça c’est génial, c’est une belle somme qui nous permet de rester libre dans notre production, enfin au niveau de la chanson.
C : On bosse sur un long morceau, Bic Médium, un truc assez inédit en quatre parties. On le jouera ce soir, enfin pas en entier, les 10 bonnes premières minutes. On a pour projet de faire un court métrage pour ce morceau.
S : Et dès la rentrée on va commencer à travailler sur le second EP, en résidence dans le Gers !