Ici à Rennes, la sphère musicale assiste actuellement à une transition innatendue mais jusqu’à présent réussie entre la fin d’une ère et le début d’une autre… En effet, les Wankin’Noodles, groupe phare de la scène rennaise depuis maintenant quelques années, on décidé de mettre un terme à cette formation de garage rock dont le second degré et la théâtralité avaient fait la renommée, et d’écrire une nouvelle page musicale plus sombre et plus expérimentale, sous un patronyme pour le moins mystérieux dont on vous en révèlera bientôt plus ; Apochela. Après la sortie d’un premier EP 4 titres, Hannibal, et un premier concert à l’Antipode dans le cadre d’I’m from Rennes, le quatuor s’attaque déjà à la composition d’un nouvel EP et à la préparation des prochaines scènes à venir, dont notamment une date le mercredi 4 décembre à l’UBU dans le cadre des Transmusicales.
Rencontre avec Romain (batteur), et Bastien (bassiste/claviériste).
-Bonjour à tous les deux, et merci d’avoir accepté cette interview, pouvez-vous tout d’abord expliquer comment s’est formé le projet, notamment comment s’est faite la transition avec l’ancien groupe des Wankin’ Noodles ?
R : En fait Apochela est né de la fin des Noodles, on était arrivé à un moment où, voilà, on venait de finir la tournée du 1er album, notre bassiste voulait se recentrer sur autre chose et a décidé de partir, etc… donc on s’est retrouvés tous les trois, Régis, François et moi, à se dire bon qu’est ce qu’on fait, est-ce qu’on prend un autre gars, est-ce qu’on continue les Noodles et tout ça… et en fait comme on avait depuis quelques mois l’envie de faire autre chose, un truc nouveau, on a décidé d’arrêter les Noodles et de repartir sur autre chose. On a commencé à bosser un peu dans notre coin pour un nouveau projet, et puis on a rencontré Bastien, un peu par hasard, l’anecdote est assez rigolote d’ailleurs… En fait on fréquente tous le même magasin de guitare, Guitare N’Ko, je connais bien les vendeurs, j’y vais souvent, et un jour j’explique à l’un des deux qu’on cherche un gars etc… et je m’aperçois soudain qu’une basse que je trouvais trop cool avait disparue… je demande à qui elle a été vendu, je lui dis passe moi le numéro du gars qui l’a achetée, et… c’était Bastien. On l’a appelé et on s’est rencontrés comme ça !
B : On s’est rencontrés en mai, et on a passé toutes les vacances ensemble à construire le projet.
R : On a tout refait à quatre et puis on a composé de quoi enregistrer notre EP assez rapidement.
B : Quand je suis arrivé il y avait déjà de la matière, ce qui a permis d’enregistrer l’EP super vite, dès mi-juin.
-Où avez-vous enregistré cet EP ?
R : On l’a enregistré au Studio Cocoon, principalement avec des amis, et derrière c’est moi qui ai mixé. Donc on a vraiment fait ça dans notre coin tout seuls, puis on eu la chance d’être programmés à I’m from Rennes, à l’Antipode pour notre 1er concert. En fait un des amis qui nous a aidé sur l’enregistrement n’est autre que Simon, le bassiste des Popopopops, qui se trouve être le Président de l’asso I’m from Rennes. Ils ont dit oui sans connaître le projet, on a vraiment eu de la chance. On a aussi profité d’une journée de résidence sur place. Du coup en gros on s’est retrouvé à la sortie de l’EP à devoir préparer 45min de set pour début septembre…
-Et vous composez vraiment tous les 4 pour ce nouveau projet ou il y a une tête pensante ?
R : En fait ça dépend des morceaux, il y a des morceaux à tête pensante, par exemple « Dive&Ride », qui figure sur l’EP, c’est moi qui en ai composé une grande partie, j’ai trouvé l’orgue, Bastien une autre partie…
B : En fait un mec va amener un gros squelette du morceau, puis ensuite l’arrangement, la structure etc… vont vraiment se faire à quatre mains.
R : Y a d’autres morceaux où ça vient plus de François, Bastien, Régis…
B : Y a des morceaux où c’est des bœufs…
R : Y a des morceaux où c’est juste des impros qu’on retape ensuite derrière…
-Donc c’est très varié finalement, il n’y a pas de processus type?
R : Très varié mais toujours commun, c’est vraiment quand il y a des allers-retours en composition que c’est hyper intéressant parce qu’il y a toujours quelqu’un qui va avoir une idée que t’aurais jamais eu et c’est ça qui est cool…
B : Puis c’est le début aussi… c’est cool, il y a tout à faire !
R : Il y a l’esthétique à faire. Quand on a fait l’EP on avait juste ces quatre morceaux-là et deux bouts d’autres morceaux, donc on a fixé l’EP, puis tous les autres morceaux qui sont venus après, c’est encore une autre évolution esthétique, parce qu’on se cherche encore…
B : On a déjà la tête dans l’EP suivant…
R : Là on est déjà à fond sur un nouvel EP parce qu’on ne veut pas s’arrêter, on s’éclate trop !
B : Puis on veut réussir à bien déterminer ce qu’on veut faire…
-Quelle était la volonté stylistique originelle quand vous avez décidé de monter ce projet ?
R : Déjà on voulait choisir un langage, parce qu’avec les Noodles on écrivait à la fois en anglais et en français et on avait plus envie de faire ça, donc on a décidé de prendre l’anglais, parce que la musique qu’on voulait faire s’y prêtait mieux. Ensuite on voulait quelque chose de plus sombre, de moins adolescent, parce que les Noodles c’était clairement ça, la grosse gaudriole, on arrive sur scène, on est les meilleurs, on met les amplis à fond et on va vite quoi ! Là c’est quelque chose de moins second degré, avec l’envie de créer des ambiances… ne pas avoir peur de faire des choses plus lentes, plus aérées, plus étranges… Dans notre bio on cite par exemple Edgar Allan Poe comme influence pour les paroles parce qu’il y a toujours ce côté un petit peu étrange d’histoires bizarres etc dans ses œuvres…
B : Moi en ce qui me concerne je sors d’un groupe de psyché donc les trucs perchés c’est mon terrain, j’étais pas du tout à cours d’idées dans ce domaine-là, et une chose est sûre et les gars le savent c’est que je préfère être bassiste d’Apochela que des Noodles parce que ça me correspond carrément plus.
R : Et nous aussi parce que ça fait du bien de remettre les choses à plat, à zéro, d’être créatifs mais à partir de zéro… On n’essaie plus de suivre une esthétique déjà posée, là on s’est dit qu’on ne se fixait pas de limites, qu’on faisait ce qu’on avait envie, du moment que ça avait sa cohérence. On avait envie que ce soit un peu plus bourrin, plus sombre. […] On joue carrément plus sur les nuances dans ce groupe-là, vraiment, les moments où ça envoie, ça envoie, et les moments où ça envoie pas, c’est parce que ce n’est pas l’énergie qu’on veut mettre en avant. En fait, une des grosses différences avec les Noodles c’est qu’on avait vraiment trouvé une identité vocale avec Régis, très gueulé, énergique, joué, théâtral, il y avait un personnage Régis, et là on voulait le détruire, on ne voulait pas que ce soit le même. Il y a des moments où ça envoie mais il y a d’autres moments où on va plutôt essayer de tisser des genres d’harmonies et de mélodies bizarres par exemple…
-Dans quel sens comptez-vous envisager votre rapport au scénique, au visuel ?
R : On est en train d’y réfléchir…
B : Pour l’instant on n’en a pas du tout parlé, pour les fringues on a dit dès le début chacun fait ce qu’il veut puisque justement les Noodles avaient un code vestimentaire, du coup on voulait casser ça aussi…
R : Après on veut vraiment mettre en avant la musique (En avant la musique !), dans le sens où on considère que maintenant Régis c’est plus un entertainer qui prend le micro et qui va chopper les gens, mais c’est un mec qui fait partie intégrante du groupe… y a plutôt un côté…
B : Asseyez-vous et écoutez quoi…
R : Ben il y a des moments ultra entrainants aussi, parce que ça reste du gros rock, mais pas que, c’est ça qui est intéressant, c’est qu’on essaye de faire notre truc, et que les gens se fassent un peu happer, ce qui est un parti pris différent d’avant où en gros on arrivait sur scène, on les pointait du doigt…
B : Il n’y a plus le côté spectacle.
R : Enfin, disons que ce n’est pas le même spectacle. On veut vraiment que les gens entrent dans le set, soient happés dans le truc, transportés, brinquebalés de gauche à droite, dans des univers qui passent d’un truc ultra bourrin à d’autres trucs carrément plus flottants…
-Est-ce que vous avez déjà eu le temps de réfléchir aux jeux de lumières notamment ?
R : On n’a pas encore eu le temps d’y travailler… pour l’Antipode on a eu beaucoup de boulot et on était déjà contents d’arriver et d’avoir un set entier, parce qu’en gros en 3 mois et demi on a composé 45 min de musique… ce qui n’était pas forcément évident ! Mais oui bien sûr sinon le style se prête à être ultra bossé côté lumières, textures… mais déjà on essaie de se mettre à fond sur la musique, avoir un set cohérent… et après on développera tout ça. Comme on repart du début, il y a encore mille choses à faire, mais c’est super excitant justement.
-Vous avez-donc donné votre premier concert à l’Antipode dans le cadre d’I’m From Rennes, comment l’avez-vous ressenti ?
B : C’est un 1er concert, c’est comme la 1ère clope tu vois…
R : C’est comme la 1ère crêpe. Sauf que là elle n’est pas ratée ! (rires)
B : Nous on a plein de trucs à redire sur ce qu’on a fait mais c’est toujours comme ça…
R : C’était notre 1er concert, on était tendus, parce que 45 min de trucs tout nouveaux à présenter devant un public dans des bonnes conditions avec des gens qui connaissent pas ce que tu fais etc… Ce qui fait qu’on était vraiment à fond dans notre set, dans la musique, ça nous a pas empêché de nous éclater à partir un peu plus en vrille sur la fin, mais il fallait faire le boulot avant tout, réussir à délivrer ce qu’on avait écrit de la meilleure manière possible, donc oui on était tendus, mais on est contents de ce que qu’on a fait, même si il y a des chose qu’on aurait pu faire mieux, mais forcément, c’est un 1er concert, la pâte n’est pas encore bien faite, tu fais des grumeaux un peu au début (toujours la métaphore de la crêpe !), mais le set s’est super bien passé, et on a eu des retours carrément cool par rapport à ce que nous on pensait avoir fait, parce que moi honnêtement je suis sorti du concert je savais pas du tout ce que les gens avaient pu en penser, parce que il a eu des moments où ils étaient à fond, et d’autres où ils étaient hyper attentifs, donc on ne savait pas trop… donc je suis sorti de scène je savais pas, mais j’étais content parce qu’on l’avait fait !
-Quels sont vos projets à venir ?
R : Du coup on compose déjà un nouvel EP, on en est à 50%. On va surement aussi faire un clip pour un des titres, qui sortirait idéalement un petit peu avant les Trans. On essaie de tout faire vite, pour être dans la logique : on fait quelque chose, ça donne quelque chose, on le sort, y a de l’actu, ça nous motive pour continuer… pas trop trop espacer… surtout je pense au début d’un groupe…
B : Il faut jamais s’arrêter.
R : Et on s’arrêtera jamais !
-Votre prochaine apparition scénique sur Rennes se fera donc le mercredi 4 décembre à l’UBU pour les Transmusicales, dans quelles circonstances avez-vous été programmés sur cette date ?
R : C’est Jean-Louis Brossard des Transmusicales, qu’on connait du coup depuis l’époque des Noodles, qui avait entendu dire qu’on faisait quelque chose, il n’a pas vu notre 1er concert, mais il nous a fait confiance sur l’EP. Il nous a dit, voilà, il parait que vous faites quelque chose, il était intéressé, curieux, donc on a été lui faire écouter, il a trouvé ça intéressant, il a pris son temps de réflexion et il nous a proposé ça, qui nous correspondait bien, du coup on a accepté.
-Et donc pour revenir sur les racines du projet, pourquoi ce nom si étrange, « Apochela » ?
B : En fait c’est un mot latin, c’est le nom d’une sous-espèce animale, le tardigrade, c’est un petit animal microscopique qui peut survivre à tout ce que la terre lui inflige, donc il ne peut pas mourir à part de vieillesse. Et on en trouve partout sur Terre. C’est quelque chose qui a été découvert dans les années 20 et qui n’a pas trop été approfondi, et j’ai vu ça dans un documentaire sur Vice, ça m’a un peu rendu fou, un animal comme ça qui survivait à tout et dont personne ne connaissait l’existence et qui n’était emmerdé par absolument personne… et donc l’Apochela c’est une race de tardigrade en fait.
R : Et les chercheurs se sont rendu compte qu’ils survivaient même dans l’espace !
B : Il peut se mettre en sommeil ou s’auto-nourrir, des trucs complètement dingues… il peut survivre dans le vide et du coup dans ce documentaire sur Vice il y a un naturaliste qui dit, voilà, je ne peux pas le prouver, mais il est possible, comme cet animal est unique sur Terre, qu’il ai débarqué de l’espace. Du coup on trouvait ça chant-mé !
-C’est cet animal qu’on peut voir représenté sur l’artwork de votre EP ?
B : Oui tout à fait, il s’agit d’un tardigrade, même précisément d’un apochela, qui dort d’ailleurs.
C’est là où le nom du groupe donnait énormément de crédit à toute cette envie que les gars avaient de changer, c’est mystérieux, personne ne sait ce que c’est, tu tapes sur Google y a rien…
-Pour le moins original ! En tout cas merci beaucoup pour toutes ces explications, un petit mot de la fin peut-être?
B : Cravate !
R : Hermaphrodite !
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