Chemises psychédéliques, coupes hype, bandanas, styles revival 68 et conversations effervescentes de spécialistes, pas de doute, c’est bien la crème du milieu indie-hipster-underground qui se retrouve au Fort de Saint-Père pour une 23e édition estivale haute en couleur de la Route du Rock. Moyenne d’âge des festivaliers : 25 ans à vue d’œil, dont une part non-négligeable d’étrangers venus parfois de loin pour ne pas rater LE rendez-vous musical de l’été. On compte notamment beaucoup d’anglo-saxons, ce qui n’est pas étonnant étant donné la sur-représentation de ces derniers dans la programmation.
Après la déroute de l’année passée (seulement 13000 entrées), les organisateurs retrouvent le sourire avec une fréquentation qui atteint les 21000 entrées payantes sur 3 jours, favorisée par une météo relativement clémente. L’ambiance tant au camping que sur le festival même est décontracte, attentive et passionnée. Musiciens, chroniqueurs, abonnés des circuits indie et des filons musicaux alternatifs, le public est clairement un public de connaisseurs. Les férus de musiques indés sont venus ici satisfaire leur soif de nouveautés avant-gardistes et débattre des dernières pépites souterraines. Les rennais répondent massivement présents à l’appel, et dans le public on peut notamment repérer un certain nombre de représentants des jeunes groupes des environs – spotted entre autres : Juveniles, The Popopopops, Olympia Fields, Kids Of Maths, Future Dust…Cette année, et peut-être encore plus que d’habitude, la programmation est des plus éclectique et audacieuse, avec beaucoup de noms totalement émergents. La plupart des festivaliers interrogés avouent ne connaitre que quelques noms et venir principalement dans une perspective de découverte. Les débats vont donc bon train pour sélectionner les groupes à ne pas manquer, les concerts s’étalant chaque soir d’environ 18h à 4h (ce qui est parfaitement intenable de bout en bout), avec toujours un seul artiste à la fois, alternant entre la grande scène et la petite scène. Dans ces conditions, bien évidemment, nous n’avons pas pu assister à tout, mais nous allons du moins tenter de vous faire part de nos impressions sur les live que nous avons pu apprécier (ou moins) durant ces 3 jours…
Nos live coups de cœurs :
*Local Natives (jeudi soir)
On est malheureusement arrivé seulement pour la toute fin du set mais les quelques morceaux attrapés au vol nous on laissé un très bon sentiment de fraicheur et de légèreté. Porté par de bonnes rythmiques et des harmonies planantes, la pop mélancolique et aérienne des californiens semble avoir ravi le public.
*Moon Duo (jeudi soir)
Rythmiques implacables et lignes de synthé entêtantes parsemées de couplets aériens et de solos de guitare atmosphériques, l’alchimie psychédélique du trio américain (sur scène Ripley Johnson et Sanae Yamada sont accompagnés d’un batteur) est plutôt convaincante. On se laisse tenter par le voyage hallucinatoire qu’ils nous proposent et on ne veut pas trop en revenir. Belle découverte. Peut-être légèrement répétitif sur la longueur, mais bon ça fait partie du concept.
*Nick Cave (jeudi soir)
Doyen très attendu de la programmation, à 55 ans Nick Cave a su montrer que les représentants de l’ancienne génération et les recettes old-school peuvent encore faire vibrer les festivaliers 2.0. Passant sans cesse du piano au devant de la scène, il enchaine les titres avec fougue, jouant habilement du contraste des ambiances et faisant corps avec l’audience. Porteur à la fois d’une énergie et d’une émotion des plus communicatives, le showman a su convaincre une foule venue massivement assister à son live enflammé dont la renommée le précède. Un sans faute pour the old Nick, dont le live a certainement été le plus fédérateur du festival.
*Bass Drum of Death (vendredi soir)
Du bon vieux punk-garage-rock à la recette simple et usée jusqu’à la corde mais d’une efficacité redoutable. Un chanteur-guitariste chevelu aux allures de teenager rebelle, un second guitariste embrasé et un batteur survolté, et la mayonnaise prend cash entre le trio mississippien et le public heureux de pouvoir enfin se déchainer après le long set déroutant de Godspeed You ! Black Emperor qui avait semblé en laisser plus d’un perplexe… Ca joue fort, vite et efficace, les pogos et les slams vont bon train et l’atmosphère se réchauffe avec une rapidité fulgurante.
*Zombie Zombie (vendredi soir)
Très difficile d’accéder à la petite scène devant laquelle s’est déjà amassé une foule compacte de festivaliers attentifs et intrigués. On a du mal à discerner les musiciens et à profiter pleinement du spectacle, mais le peu qu’on en perçoit semble fidèle à la qualité des enregistrements. Ambiances polaires et glauques, rythmiques anesthésiantes, sonorités déroutantes et bruitages cosmiques ; pas de doute, le duo parisien a bien choisi son nom.
*Tame Impala (samedi soir)
Particulièrement attendue au tournant, la formation australienne renvoie dès les premières notes les sceptiques au vestiaire. Leur univers planant et psychédélique fait immédiatement décoller le public pour un voyage extatique dont le grand écran projetant des enchainements de visuels abstraits et multicolores constitue l’accompagnement parfait. La voix aigue, aérienne et lancinante de Kevin Parker fait vibrer la foule qui semble unanimement transportée au fil des morceaux gorgés d’adrénaline du groupe. Une évasion commune réussie, sans aucun doute.
*Hot Chip (samedi soir)
L’accueil réservé au groupe britannique très attendu est des plus chaleureux. Dès les premiers titres le public s’enflamme et pogos et slams s’enchainent au fur et à mesure des tubes dansants et acidulés de la formation. Les franges les plus jeunes semblent particulièrement apprécier la prestation electro-pop du groupe et forment une vaste vague qui se meut avec enthousiasme au rythme des percussions ciselées, des lignes de synthés addictives et de la voix entrainante d’Alexis Taylor. Mention spéciale pour la batteuse qui assure grave et couronne l’énergie dégagée par l’ensemble des musiciens.
*Disclosure (samedi soir)
Les deux jeunes frangins britanniques dont le nom tourne énormément ces temps-ci ont la lourde tâche de clôturer le festival, rien que ça, avec un passage programmé à 2h40. Défi relevé avec brio puisque malgré les gouttes persistantes la foule reste bien présente et réactive à l’electro dansante et aux tubes entêtants de la formation. Le Fort Saint-Père se transforme en véritable club pour quelques temps. Un visuel très réussi vient compléter le spectacle, avec de grands panneaux en forme de losanges sur lesquels défilent toutes sortes de décors géométriques et colorés.
Avis mitigés :
*Iceage (jeudi soir)
Quatre jeunes rockeurs et un leader au charisme indéniable, mais une mayonnaise déjà largement vue et revue et qui ne prend pas comme il faudrait pour cette fois. Pourtant le chanteur y met du sien et n’est pas avare de mimiques appuyées du haut de sa belle gueule d’ange rebelle, mais le public reste assez mitigé malgré un déferlement massif de décibels mêlant un concentré de punk, de rock et de noise, le tout surplombé de hurlements soutenus. Manque de cohésion, de sincérité, d’originalité, de nuance ? Horaire trop matinal ? Surement un peu de tout ça, en tout cas on pas réussi à vraiment rentrer dedans et il semblerait que les festivaliers non plus…
*Allah-Las (vendredi soir)
Pas de risque de déstabilisation du côté du quatuor californien, avec un concentré de garage rock et de surf music sixties des plus traditionnels, mais la magie prend. Agréable et dansant, mélancolique et apaisant, le set fonctionne à merveille et il suffit de fermer les yeux pour voir apparaitre l’écume des vagues et les acrobaties des surfeurs chevelus sous le coucher de soleil… Le public semble savourer pleinement ces quelques gouttes d’anesthésie estivale.
*Efterklang (vendredi soir)
Simpa mais sans plus. Les vocalises acrobatiques de la chanteuse et la classe détachée de Casper Clausen n’ont pas su nous emporter complètement, même si la performance des danois était indéniablement raffinée et de qualité. On sentait qu’ils étaient contents d’être là, mais il a manqué l’étincelle…
On n’a pas aimé :
*Godspeed You ! Black Emperor (vendredi soir)
Sujet polémique du festival par excellence, la formation canadienne a largement divisé les auditeurs, et on fait parti de ceux qui n’ont pas accroché du tout. Set outrageusement expérimental, sonorités agaçantes et corrosives, musiciens et scène plongés dans le noir, écrans faisant défiler des inscriptions ésotériques sur fonds d’univers apocalyptiques… ajoutez à cela une rythmicité quasiment absente et vous comprendrez que l’exaspération et la lassitude nous gagnent bien vite devant ce live dont on ne parvient pas du tout à saisir l’enjeu… A la limite en BO d’un film d’auteur dramatique japonais ça aurait peut-être pu le faire, mais là clairement on s’ennuie profondément, et de surcroit ça nous tape sur le système.
On les a ratés mais on en a entendu beaucoup de bien :
-Electric Electric (jeudi soir)
-Fuck Buttons (jeudi soir)
-TNGHT (vendredi soir)
-Concrete Knives (samedi soir)
Les détails qu’on a appréciés :
*La qualité des shows lumières et du son.
*L’ambiance conviviale et détendue du festival et du camping.
*La taille humaine du festival.
*La proximité camping / scènes.
*Les designs du merchansiding du festival, notamment les imprimés « Indie Way Of Life ».
*Des toilettes et des douches qui restent 4 jours dans un état tout à fait correct avec un nettoyage régulier, ça c’est un bon point !
Les détails qu’on a moins appréciés :
*Le pass 3 jours à sortie définitive.
*Les changements de plateau vraiment longs.
*Trop peu de place devant la petite scène, mal agencée pour qu’une quantité raisonnable d’auditeurs puisse apprécier les concerts qui se déroulent dessus.
*Les files d’attente à rallonge pour les navettes camping/St-Malo durant les 3 jours.
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En quelques mots : une édition à peu près ensoleillée, une fréquentation importante, une organisation relativement bien ficelée, de multiples découvertes plus ou moins déconcertantes et des live de qualité ; la Route du Rock reste à l’évidence un rendez-vous incontournable pour les mélomanes aventuriers des générations d’aujourd’hui, d’hier et de demain.
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Revivre les concerts complets en vidéo :