Les productions musicales actuelles auxquelles on peut attribuer le label « d’originalité certifiée » se veulent un renouvellement perpétuel des classiques au delà du consensus, puisant dans des sources jamais taries. Mermonte est un amas en amont, un sampling en acoustique, un massif d’interprétation et de réutilisation des genres à toutes les sauces. Inclassables donc. Et la complexité n’est absolument pas due aux nombres de musiciens : dix adeptes qui s’adaptent.
L’adaptation au sein d’un cadre qui se veut un fourmillement d’idées, parfois confuses, parfois extrêmement cohérentes, c’est le credo des Rennais de Mermonte. L’investigation funambule accolée à l’image toute propre d’un ancien souillé. On peut sentir par ce biais, au sein du dernier LP, Audiorama, un incroyable épanouissement de l’émotion sonore. L’album prend corps de manière organique, avec un travail monstre sur des percussions fines enveloppées de tons sourds, dissimulés. Le terme juste pour définir l’approche est l’incarnation : du chant (montées a capella, canons influents, fluidité des hauteurs et réverbes audacieuses – sa valeur n’est plus à prouver) aux dimensions profondes des guitares et basses qui ne sont pas sans rappeler un Tortoise évanescent, en passant par l’influence jazzy de la batterie aux contrastes déterminants face aux effluves lyriques de l’ensemble. L’orchestration se lit comme l’affluence du sang dans des organes piochés aux quatre coins du monde. Audience affectueuse envers la diversité : on pense obligatoirement à Beirut et ses cuivres décomplexés. De manière soudaine, les musiciens se plaisent à assumer leur aspect variété comme plaisir coupable. Domine alors une pop à la Two door cinema club, le mainstream en moins et l’esthétique sixties en mieux – à proximité des Moody Blues – passée au rouleau compresseur puis réédités en phasing sur des compos telles que « André Ludd ». La ponctuelle mise en demeure de l’acoustique pour laisser parler les synthés n’est pas un problème : L’épique est toujours produit, fait son effet et reste assez joli.
Audiorama est un « full album », sans arrêts prononcés, car c’est seulement la musique qui tient le rôle d’arbitre, ne se pliant jamais aux règlementations du changement de morceau. Attention cependant à ne pas se noyer dans cette multiplicité du contenu, bien que le contenant se révèle un guide hors-pairs : musique d’atmosphère, musique de film presque, un tendre éveil en stéréo. Memonte propose Audiorama comme représentation de la sonorité dans son essence même, par la capacité qu’elle a à captiver son auditoire à travers une complexité créatrice de sens.